Vortex polaire

PAR CHARLES VINCENT

Sherbrooke était toute belle, ainsi frigorifiée. Moins 31, disait-on à la radio. À n’en pas douter, le mercure s’était fait petit, tout petit. Un vortex polaire, répétait sans cesse la fille de la météo. «Un frette du câlisse», préférait le gars de la station-service. Tranchons, si vous le voulez bien, pour un frette polaire… Ce qui sera toujours bien mieux, on en conviendra, qu’un vortex du câlisse…

Au centre-ville, quelques braves marchaient d’un pas pressé, qui en route pour un café, un resto, qui filant vers sa voiture ou son chez soi, le cou bien engoncé dans les épaules rembourrées, les mains quoique gantées néanmoins fourrées dans les poches. Aujourd’hui, pas de tataouinage. Pas de jasette. Pas de lèche-vitrine. On cherche le chaud. Et au plus vite!

Moi qui déplorais ici même qu’on eut ramolli mon hiver, je pris mon courage à deux mitaines. Je marchai de part et d’autres de la gorge de la Magog, dont les eaux s’explosaient sur les rochers, en contrebas du barrage de la centrale Abénaquis. Le crachat crispait mon manteau et le vent ravageait mes doigts. Mais la vue valait bien quelques morsures qui de toute façon seraient vite oubliées.

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